Anecdotes

Le tremblement de terre eut lieu le lundi 29 Février 1960 à 23h40. Le séisme dura 15 secondes. Sa magnitude fut de 5.9 sur l’échelle de Richter qui en compte 9. Près de 15000 morts ont été dénombrés soit plus d’un tiers de la population.

On ressentit les premières secousses le 23 Février. A 12h00, ce Lundi 29, nouvelle secousse. Un cadre accroché au mur chez nous pivota autour de la pointe qui le tenait. Il faisait très chaud à Agadir. Un vent de chergui n’arrête pas de souffler.

Jusqu’à fin 1959, nous vivions au dernier étage de l’immeuble consulaire qui en comptait sept. Au moment du tremblement de terre, nous logions au deuxième d’un immeuble de deux étages.

Grâce à sa maman institutrice, Pascal apprit à lire et écrire pendant qu’il habitait l’immeuble consulaire. C’est là qu’un jour étant seul dans l’appartement avec son frère, il mit le feu à des papiers, histoire de tester les allumettes. Quand les parents sont rentrés, il planqua le feu sous son lit. Heureusement la fumée permit aux adultes d’éviter le drame.

Philippe n’était pas en reste. Il balança sa timbale en métal sur le trottoir alors que nous mangions sur le balcon. Un jour, sa mère, le laissant dans sa chambre, s’est absentée pour conduire l’ainé à l’école toute proche. Quand elle revint, elle entendit « Maman, maman… » et aperçut Philippe penché sur le balcon, au septième étage. Ce jour-là elle ne prit pas le temps d’attendre l’ascenseur et monta les marches quatre à quatre. Elle avait oublié de fermer la porte-fenêtre. A propos d’école, il m’arrivait d’être puni pour bavardage. La maîtresse nous collait une bande de papier marron sur la bouche. Je racontais à mes parents que, pour mieux respirer, je faisais un petit trou avec ma langue au milieu du papier.

Après son travail, notre père nous rejoignait à la plage. Nos parents à peine trentenaires vivaient avec nous un grand bonheur.

Jusqu’à ce séisme qui les marquera à jamais.

Quand notre mère se rendit dans la chambre des enfants : Philippe criait, Pascal se réveilla tranquillement demandant s’ils allaient au cinéma, chose qu’ils ne faisaient jamais.

Notre père mit longtemps à retrouver ses clefs de voiture. Il ne retrouva pas sa cravate. Plus tard, alors qu’il réglait la circulation en ville pour permettre aux secours de se déplacer plus rapidement, un officier de la gendarmerie venu de Casablanca ou Rabat lui reprocha sa tenue négligée. Auguste lui répondit sèchement, oubliant son statut de militaire.

Il prit le risque de sortir sa 203 Peugeot du garage situé sous l’immeuble qui était penché. Nous avons pris la route de la base militaire. Un pont était couvert d’eau. Auguste s’arrêta. Des pompiers s’engagèrent sur le pont sans hésiter, nous les avons suivis. Les immeubles au bord de la route étaient en feu.

Notre mère, étant enceinte de jumeaux et vivant difficilement sa grossesse, fut considérée prioritaire pour entrer en France. Un avion militaire anglais nous a accueillis pour nous amener à Marseille le jour même. Dans l’avion, il n’y avait pas de sièges, nous étions assis par-terre. Des chaussures oubliées par des militaires trainaient çà et là. Notre père resta cinq mois à Agadir pour assurer la sécurité des biens et des personnes.

Arrivés à Marseille, nous avons pu prendre un petit-déjeuner, nous les deux garçons. Notre mère ne prit rien : elle n’avait pas assez d’argent sur elle et tout était payant . Ce n’est qu’arrivés à hauteur de Lyon par le train, que nous avons reçu des dons en nourriture. A Paris, à la gare de Lyon, des marins nous attendaient pour nous accompagner en métro à la gare Montparnasse où nous avons pris le train pour Brest. Philippe fit ce transfert sur les épaules d’un marin.

D’autres familles moins prioritaires que nous sont arrivées à Paris avant nous, ayant pris des avions directs Agadir-Paris.

A Brest, une de nos tantes nous a pris en charge et nous logea. Elle s’étonna que notre mère n’était vêtue que d’une robe d’été. A Agadir, nous nous baignions de Janvier à Décembre.

Notre père est remonté dans l’appartement quelques jours plus tard pour prendre des affaires malgré les interdictions. Évidemment, il était accompagné et prenait plein de précautions, selon lui. Il y avait encore des secousses. Il parvint à récupérer la plupart de nos meubles. En déménageant notre cuisinière, il faillit y laisser la vie. L’habitude de notre mère était de ranger la friteuse pleine d’huile dans le four. En descendant les escaliers, disloqués par le tremblement de terre, lui et ses compagnons penchèrent la cuisinière et l’huile se répandit sur les marches formant ainsi une vraie patinoire.

Fin Juillet, Auguste fit le trajet Agadir – nord du Finistère avec sa fameuse 203 bleu ciel. Il fut alors muté en Vendée, département proche de la Bretagne dont il était originaire.

 

 

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